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Lynda Lemay




Альбом Lynda Lemay



2000
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. . .


L'homme était français, la femme était russe
Tous deux voyage aux États-Unis
Tous deux attendaient le même autobus
Presque sans bagages, comme des sans-abri

Ils se composaient dans le terminus
Un nouveau langage bizarrement joli
Presque du français et presque du russe
Et l'anglais d'usage qu'ils avaient appris

Au fil du trajet, dans le processus
Du bon bavardage qui se pervertit
Le couple savait qu'il s'agirait juste
D'un truc de passage voué à l'oubli

L'homme était français, la femme était russe
Leurs deux cœurs volages n'avaient qu'une envie
Lui s'imaginait délivrer le buste
De l'épais corsage à demi rempli

Elle se retenait d'explorer les muscles
De ce corps sauvage de mâle aguerri
Il y eut deux arrêts puis un terminus
Un sac de couchage pour deux corps unis

Au matin dormaient l'homme et sa Vénus
Tous deux en otages de l'autre endormi
Mais dans le respect de leur consensus
L'éventuel chantage n'était pas permis

L'entente voulait qu'ce soit jamais plus
Qu'un truc de passage voué à l'oubli

L'homme était français, la femme était russe
Sans enfantillage, tous deux ont repris
Chacun leur trajet et leur autobus
Tous deux le visage un peu déconfit

La femme chassait le souvenir robuste
De son court voyage aux États-Unis

Alors que germait dans son utérus
Un truc de passage voué à l'oubli

. . .


Ça sent le renfermé
Le déjà respiré
Ça sent le corps en panne
Ça sent la vie en can

Ambiance de toux creuse
Sur fond de balayeuse
Dans l'écho du couloir
Où pendent des peignoirs à peine habités

On dirait que les murs déteignent
Ou que les joues sont délavées
Et toutes les chevelures se peignent
À la mode des oreillers

Ça sent le renfermé
Le déjà respiré
Ça sent le corps en panne
Ça sent la vie en can

Aux poignets squelettiques
Bracelets de plastique
Comme un bijou d'famille
De fille en aiguille

On est des tas dans l'entrepôt
Avec des pièces à remplacer
Et y a le bonhomme en sarrau
Qui dit que c'est discontinué, discontinué

Roule-moi pendant qu'j'suis faible
Que tous mes muscles cèdent
Pendant qu'tu crois qu'tu m'aides
Pendant qu'tu crois qu'je crève
Tu sais pas comment j'rêve
D'sortir par la grande porte
Tu verras qu'c'est pas morte
Attends un peu qu'j'me lève

Ça sent le renfermé
Le déjà respiré
Ça sent le corps en panne
Ça sent la vie en can

Gentillesse étudiée
On n'est pas des bébés
Ta gueule et pousse ma chaise
On monte au 213

On dirait que les murs m'étreignent
Est-ce un couloir ou un placard
C'est la résignation qui règne
Quand passe le cortège de brancards matin et soir

Roule-moi pendant qu'j'suis faible
Que tous mes muscles cèdent
Pendant qu'tu crois qu'tu m'aides
Pendant qu'tu crois qu'je crève
Tu sais pas comment j'rêve
D'sortir par la grande porte
Tu verras qu'c'est pas morte
Attends un peu qu'j'me lève

Roule-moi pendant qu'j'suis faible
Que tous mes muscles cèdent
Pendant qu'tu crois qu'tu m'aides
Pendant qu'tu crois qu'je crève
Tu sais pas comment j'rêve
D'sortir par la grande porte
Tu verras qu'c'est pas morte
Attends un peu qu'j'me lève
C'pas ici qu'j'voulais m'rendre

J'ai même pas vu l'Irlande
Pas mis l'pied en Egypte
Attends que j'ressuscite

Attends que mes pieds m'portent
Tu verras qu'c'est pas morte
Dans cette prison qui pue
Que j'vous ferai mon salut

. . .


Je hurle comme une folle
Qu'elle me laisse donc tranquille
Soudain, mon bras s'envole
Jusqu'à sa peau fragile

Puis je fixe en silence
Ses yeux qui s'écarquillent
Étonnés d'ma violence

Couchée dans l'corridor
Abattue comme une quille
Elle me répète à mort
Que je ne suis pas gentille

Et devant son petit corps
Qui se recroqueville
J'me confonds en remords
J'ai battu ma fille

Moi qui couvrais de blâme
Tous ces idiots en rogne
Qui disent aimer leur femme
Et du même coup la cognent

Je veux la consoler
Mais je reste immobile
J'ai plus l'droit d'la toucher
J'ai battu ma fille

Je voudrais qu'elle me frappe
Je voudrais qu'elle se venge
Qu'elle me rende ma tape
Avec sa p'tite main d'ange

Au lieu d'voiler de larmes
Ses yeux qui me torpillent
Je suis une pauvre femme
j'ai battu ma fille

Tout c'que j'arrive à dire
C'est : Monte dans ta chambre
Maman va t'avertir
Quand tu pourras r'descendre

On dirait ma vieille mère
Faut croire que c'est d'famille
Que c'est hériditaire
J'ai battu ma fille

Tout d'suite, elle m'obéit
Ma foi, je lui fais peur
J'attends qu'elle soit partie
Avant de fondre en pleurs

Je suis inconsolable
Je suis une imbécile
Je suis impardonnable
J'ai battu ma fille

Je sais pas c'qui m'a pris
Ça s'est passé trop vite
C'est elle que je punis
C'est moi qui le mérite

Demain au déjeuner
Je remplirai son bol
D'ses céréales sucrées
Celles dont elle raffole

J'y ajouterai des dattes
Pour que ses yeux pétillent
Comme avant que j'la batte
Ma fille


. . .


T'avais peut-être quatorze ans
T'avais encore la tête velue
T'avais des clôtures plein les dents
La première fois que je t'ai vu

Tu jouais encore avec ta fronde
Je jouais encore à la marelle
Quand on s'est promis mer et monde
Et puis la lune et puis le miel

Tu as été mon premier homme et moi, ta première pucelle
Et c'est sur la banquette arrière
De la voiture de ton père
Que j'priais Dieu pour qu'y m'pardonne d'être déjà en train de faire
Ce qui, pour moi, ne pouvait être
Que de l'amour éternel

T'étais peut-être en train de jouir
Ou peut-être en train de muer
Quand tu m'as dit : Ça fait plaisir
D'savoir que l'on est le premier

Un peu jaloux, un peu conscient
Qu'aimer toujours, ça dure longtemps
Surtout quand on a quatorze ans
Et qu'on a toute la vie devant

T'avais le crâne dégarni quand je t'ai vu y a quelques jours
T'es déménagé près d'ici
T'as des clôtures dans ta cour
Tu jouais encore comme un gamin à faire le tour de ta maison
À faire le tour de ton jardin
Sur un p'tit tracteur à gazon

T'avais peut-être 34 ans
Et encore une bonne dose de charme
T'avais la garde de tes enfants
Mais t'avais pas gardé ta femme

Moi, j'étais plus ronde et plus blonde
Sans aucun doute, un peu moins belle
J'n'avais connu ni mer ni monde
Et ni la lune et ni le miel

J'étais là, devant ta demeure, plantée comme un grand tournesol
T'es descendu d'ton petit tracteur
Tout en sueur, en camisole
Tu m'as fait le cœur tout crispé et le visage tout écarlate
Quand ton sourire m'a dévoilé
Ta belle rangée de dents droites

On est sorti de nos trentaines
On a rechaussé notre jeunesse
Dans une voiture qui était la tienne
On s'est aimé à toute vitesse

T'étais peut-être en train de jouir
Ou peut-être en train de pleurer
Quand tu m'as dit : Ça ferait plaisir
D'savoir que je serais le dernier

. . .


J'ai envie d'fumer des américaines
Et de me rouler des jamaïcaines
J'ai envie de boire jusqu'à vaciller
Jusqu'à ne plus voir qui va m'déshabiller

Et puis j'ai envie d'partir en bateau
Avec des bandits vêtus en matelots
J'ai envie de rire, rire jusqu'à souffrir
J'ai envie de ça, mais je n'ose pas
Car moi

Je suis grande, je suis raisonnable
Je donne l'exemple, je suis responsable
Je n'teins pas mes cheveux
J'ai pas de béquilles
J'ai l'respect des vieux
Et de la famille

Je vais à l'église
Je suis ménagère
J'suis toujours bien mise
Et jamais vulgaire
J'n'ai pas eu de crise à l'adolescence
Faut qu'on m'intronise, qu'on me donne un sens

J'ai envie de trouver au fond de mon ventre
Une passion cachée, sauvage et brûlante
J'ai envie d'courir toute nue sur une plage
Imiter l'soupir d'un grand coquillage

Et puis j'ai envie, envie de danser
Pour n'importe qui et me faire payer
J'ai envie de vivre, plutôt, de survivre
J'ai envie de ça, mais je n'ose pas
Car moi

Je suis grande, je suis raisonnable
Je donne l'exemple, je suis responsable
Je n'fais pas d'bêtises, je n'ai pas cette chance
Faut qu'on m'intronise, qu'on me donne un sens

Si elle ressemble à ça
La vie après la vie
J'envie ceux qui n'vont pas au paradis
Moi j'ai gagné mon ciel
Comme disent les fidèles
Qui ne s'offrent un péché
Que lorsqu'il est véniel

J'ai envie d'crever ma bulle de cristal
Et d'laisser rentrer quelques langues sales
J'ai envie d'baisser mes bras de femme forte
Envie d'accepter qu'la vague m'emporte
J'ai envie d'troquer mes bonnes manières
Contre un peu d'plaisir et un peu d'poussière
J'ai envie de jouir, jouir jusqu'à mourir
J'ai envie de toi

Mais je n'ose pas, car moi

Bravo !
Je suis grande, je suis raisonnable
Honnête et patiente, bonne et charitable
J'ai la tête froide, je m'oublie pour d'autres
Mais c't'un cœur malade qui bat dans mes côtes

Je me sens petite, je me sens fragile
Et j'ai l'eau bénite qui me monte aux cils
Quand j'te vois partir
Parce que j't'ai chassé
Comme pour me punir
De te désirer

. . .


Y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un pépin
Toujours un trouble-fête
Y a toujours un crétin

Y a toujours un caniche
Qui parle en espagnol
Qui t'fournit en alcool
Pour t'emmener dans sa niche

Y a toujours un nerveux
Qui t'renverse ton drink
Y a toujours un curieux
Qui demande : C'est quoi ton signe ?

Y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un pépin
Toujours un trouble-fête
Y a toujours un crétin

Une petite tête de linotte
Qui te rote en plein visage
Les dents peines d'échalotes
Et de crottes au fromage

Y a toujours un raseur
Une tête à pellicules
La bouche en tentacule
Qui t'embrasse aux demi-heures

Y a toujours un mononcle
Qui peigne sa calvitie
Y a toujours un jeune punk
Qui s'brandit le squeegee

Y a toujours un gorille
Avec une gueule de tueur
Qui vient de demander l'heure
Avec une petite voix d'fille

Y a toujours un épais
Les deux petits yeux tout croches
Les deux mains dans les poches
Qui s'brasse la monnaie

Toujours un philosophe
La gueule remplie d'questions
La gueule bordée d'boutons
Mais pas d'boutons on-off

Toujours une tête enflée
Qui pue l'cigare cubain
Qui s'amuse à retourner
Toutes les bouteilles de vin

Toujours un obsédé
Qui est là, qui s'casse la nuque
Assis dans l'escalier
Pour voir en dessous des jupes

Y a toujours un vieux riche
Une haleine de fond d'tonne
Qui est là qui t'postillonne
Ses p'tits restants d'sandwichs

Non, y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un requin
Toujours un malhonnête
Y a toujours un crétin

Y a toujours un colon
Qui défile les farces plates
Toujours un cabochon
Qui veut t'tirer aux cartes

Non, y a pas d'soirée parfaite
Y a toujours un radin
Toujours un pique-assiette
Y a toujours un crétin


. . .


Si vous me demandez mon nom
Je vais vous donner mon adresse
Puis si vous me demandez l'heure
Je vais vous raconter ma vie
Sans retenue et sans pudeur
Comme si vous étiez mon ami

Si vous me demandez mon nom
J'peux bien vous donner mon corps
Et si vous en voulez encore
Je recommencerai pour vous
Sans retenue et sans remords
Comme si vous étiez mon mari

Si vous me demandez mon nom
Je vais vous parler de mon père
Qui était toujours à la maison
À la même heure après l'travail
J'vous raconterai des feux qui ne sont pas de paille
Qui brûlent encore longtemps après les fiançailles
J'vous raconterai la vie que je voudrais connaître
Une main dans la vôtre, peut-être

Si vous me demandez mon nom
Je vais me confondre en franchise
Si vous me demandez mon âge
Alors j'vais me mettre à pleurer
M'élancer de tout mon visage
Dans un coin de votre chemise

Si vous demandez la main
Je vais vous accorder mon âme
Mes demains, mes surlendemains
Mes insécurités de femme
Tout cet amour tellement lourd
Que vous l'porterez comme un blâme

Si vous me dmandez mon nom
Faites gaffe à la suite des choses
Je vais m'offrir au grand complet
Et sûrement pas à petites doses

Je serai la plus vraie et la plus vulnérable
J'vous dirai mes secrets les plus inavouables
Ces pactes que j'ai faits avec toutes sortes de diables
Si vous me demandez mon nom
Je vais vous montrer mes blessures

Chaque trace de chaque déception
Chaque marque de chaque aventure
J'vous raconterai des feux qui ont été de paille
Accrochée à vos cheveux et à votre chandail
J'vous raconterai la mort que je voudrais connaître
Une main dans la vôtre peut-être

. . .


On aura beau dire tout ce qu'on voudra
Oui, c'est un drame déplorable
C'est pas la fin du monde, mais n'empêche
C'est certainement désagréable
Quand c'est mou comme un ver à pêche

Quand ça veut jouer les timides
Le cou cassé, la tête en bas
Plié comme p'tit vieux plein d'rides
À l'âge fringant des soldats

Oui, c'est un manque de politesse
Quand ça s'met pas au garde-à-vous
Quand ça donne des signes de faiblesses
Avant même de se tenir debout

Quand ça a pris la décision
De succomber à la paresse
Qu'ça reste sur sa position
Devant la plus belle paire de fesses

Quelle déception quand vous trouvez
À l'heure de passer à l'action
Le principal intéressé
Qui fait dodo dans son caleçon

Bien sûr, c'est pas la fin du monde
Mais d'là à dire que c'est pas grave
Qu'ça peut arriver à tout l'monde
Qu'ça rend moins beau et moins brave

Moi, j'aurais quand même objection
À faire mention de courage
Quand c'est fuyant comme un savon
Et que ça fond pendant l'massage

J'ai pas l'impression d'être vache
Et de manquer d'compréhension
Mais j'constate qu'y en a qui en arrachent
Ah, les pauvres petits garçons

Y a-t-il un moyen qu'j'pourrais prendre
Un mot d'la fin qu'j'pourrais trouver
Afin qu'enfin bande la bande de dégonflés

Afin de venir, de venir en aide
Aux invalides de la culotte
Sinon de dire qu'y a des remèdes
Et des carottes


. . .


Excuse-moi, j'voulais pas t'faire de peine
J'voulais pas t'donner une vie comme �a
J'voulais t'en donner une pleine
Pas une trou�e o' t'aurais froid

J'voulais pas que tu m'aimes la semaine
Avant celle o' t'aimerais ton papa
Excuse-moi, j'voulais pas qu't'apprennes
L'amour en �clats

D'ailleurs, c'est �a que t'apprends
D'ailleurs, c'est �a que tu comprends
Qu'y a rien d'moins s�r que le bonheur
Qu'y a rien d'moins dur qu'une moiti� d'coeur
Bien s�r, c'est �a que t'apprends

Excuse-moi, j'voulais pas t'faire de mal
J'voulais pas �tre une maman comme �a
Un matin qui t'fait tes c�r�ales
Et le lendemain, qui est m�me plus l�

J'voulais pas qu'tu m'aimes de tout ton c�ur
Si c'tait pour lui faire un bobo
Chaque foutue fois que sonnerait l'heure
D'aller faire dodo ailleurs

D'ailleurs, c'est l� que tu vis
Ailleurs, c'est l� que tu t'enfuis
T'as pas d'chez-toi ou t'en as mille
D'ailleurs, c'est pour �a qu'tu t'exiles

Ailleurs, pour qu'on te laisse tranquille
Ailleurs que dans l'automobile
Qui t'emm�ne et puis qui t'ram�ne
Vers moi comme vers la gardienne

Excuse-moi, j'voulais faire beaucoup plus
J'voulais pas t'donner une vie comme �a
Dans les valises avec ta suce
Et une doudou sous l'bras

Ailleurs, et j'peux pas te retenir
D'ailleurs, j'ai rien d'mieux � t'offrir
Qu'une berceuse un soir en personne
Et l'autre soir au t�l�phone

Qu'une chambre qui change de couleur
De dimanche en dimanche
Ailleurs, et j'peux pas te retenir
D'ailleurs, j'ai rien d'mieux � t'offrir
Qu'une berceuse un soir en personne
Et l'autre soir au t�l�phone
Ailleurs, ailleurs

. . .


J'ai les mains vides
J'ai tout échappé, j'ai pas les paumes solides
J'ai les mains vides
J'ai déjà tout payé, c'était de l'amour liquide
J'ai les mains vides
J'ai même léché un à un mes doigts avides
J'ai les mains vides
J'ose pas redemander, je suis un peu timide
J'ai les mains vides
Un peu pressées, mais vraiment pas assez rapides

J'ai les mains vides
J'n'ai dans le doigt qu'une vieille épine de rose
Et je m'obstine
À ne garder que le mauvais côté des choses
J'ai les mains vides
Elles se tordent dans mon dos, elles se grattent
J'ai les mains moites
À force de ne pas s'ouvrir, elles se battent
J'ai les mains libres
Et je sais bien que c'est parce qu'elles sont maladroites

J'ai les mains vides
À force de ne toucher que du bout des doigts
À force de prendre trop de rose à la fois
À force de n'avoir rien su garder de toi
Qu'une blessure

J'ai les mains vides
J'ai mal tenu à ce que tu leur appartiennes
J'ai les mains vides
J'ai rien qu'envie de les remettre au fond des tiennes
J'ai les mains tristes
D'avoir déjà su ce que c'est que d'être pleines
Elles s'en souviennent comme on se souvient de sa seule grande peine
Et mon doigt saigne
Ta rose est morte quant même que sa tige baigne!

J'ai les mains vides
À force de ne toucher que du bout des doigts
À force de prendre trop de roses à la fois
À force de n'avoir rien su garder de toi
Qu'une blessure au bout des doigts

. . .


Au bout du chemin, y a mes souvenirs
Y a un jardin � entretenir
C'est d'autres doigts qu'les miens
Qui feront les choses
Je serai pas l� pour voir s'ouvrir les roses

Au bout du chemin, sur le gazon
Y a un petit chien qui jappe mon nom
C'est d'autres doigts qu'les miens
Qui le caresseront
Je serai plus l� pour lancer son b�ton

C'est comme �a
Y a rien � dire
Sit�t qu'c'est l'heure, on doit partir
On s'casse le c�ur comme une tirelire
On laisse derri�re c'qu'on a d'plus cher
Et on recommence ailleurs

C'pas vrai qu'on meurt

Au bout du chemin, sur le terrain, y a une vieille barque
Couch�e dans l'foin, elle se souvient d'son plus grand lac
Comme elle, j'ai soif, je craque
Je deviens s�che
Je serai plus l� pour la partie de p�che

C'est comme �a
C'est bien dommage
Sit�t qu'c'est l'heure, on ferme sa gueule
On remet son c�ur dans ses bagages
On s'en va, les yeux
Comme des rivi�res
Refaire sa vie seul
Puisqu'y a jamais rien d'autre � faire
On laisse derri�re
C'qu'on a de plus cher

Et on recommence
On recommence

C'pas vrai qu'on meurt

. . .


L'asphalte est gris
Et l'soleil frappe
Ça m'donne des fourmis
Dans les chaps

Faut qu'j'me déguise
En hors-la-loi
Noire comme la nuit
De haut en bas

Faut que j'la sorte de sa cage
J'ouvre la porte du garage
Est toute chromée, prête à sortir
Viens-t'en bébé, j'm'en vais t'conduire

Vas-y la bête, gronde
À des kilomètres à la ronde
Gronde
Et fais peur à tout l'monde
Gronde
Comme une lionne en chaleur
Vas-y, fais battre mon cœur
Plus fort

Fini l'hiver
Là ça m'démange
D'aller me faire
Danser les franges

J'passe en première
Du bout-d'ma botte
Mon gant s'desserre
Et j'lâche la clutch

Le bonheur est instantané
Je passe des heures à rouler
Le vent me gifle
Et j'le laisse faire
Je reste fière
Le pif en l'air

Vas-y la bête, gronde
À des kilomètres à la ronde
Gronde
Et fais peur à tout l'monde
Gronde
Comme une lionne en chaleur
Vas-y, fais battre mon cœur
Plus fort

Vas-y la bête, gronde
À des kilomètres à la ronde
Gronde
Et fais peur à tout l'monde
Gronde
Comme une lionne en chaleur
Vas-y, fais battre mon cœur
Plus fort

J'connais le risque et le danger
D'manquer la courbe et m'envoler
Mais je la suivrai jusqu'au ciel
Non, y a pas d'paradis sans elle

. . .


Y aurait eu d'la place au sous-sol
Pour une mignonne cuisinette
Un petit frigo et deux casseroles
Une table ronde et une assiette

Et une rampe à l'escalier
Pour ne jamais qu'elle trébuche
Et une belle cage dorée
Pour une éternelle perruche

Y aurait eu d'la place, je sais bien
On avait déjà le matelas
Y avait déjà une salle de bain
Et une télé qui ne sert pas

Le grand mur aurait été plein
De ses photos de grand-papa
De toi, de moi et des gamins
Qu'elle aurait gavés d'chocolat

Bien sûr qu'elle s'est laissée mourir
Elle aimait les étrangers
Bien sûr qu'ça la faisait pas rire
De jouer aux cartes, de jouer aux dés

C'était une femme de maison
C'était une mère de famille
D'une grande fille pas gentille
Qui l'a laissée à l'abandon

Bien sûr qu'elle a dû espérer
Qu'on prenne soin de ses vieux jours
Et qu'on revienne la chercher
Quand elle appelait au secours

Du fond de son maudit foyer
Quand elle tremblait de tous ses membres
Par chance que Dieu est arrivé
Elle se tuait à nous attendre

Y aurait eu d'la place au sous-sol
Tout plein d'espace au-dessus du lit
Pour qu'elle accroche et qu'elle colle
Images saintes et crucifix

J'aurais pu lui coudre des robes
Pour qu'elle se sente jolie
Comme lorsque j'allais à l'école
Et qu'elle me faisait mes habits

C'est un peu tard pour les regrets
J'vais pas gagner mon paradis
Parce que j'nourris depuis juillet
Une vieille perruche qui s'ennuie

Y aurait eu tant de place ici mais
Mais je lui ai fermé ma porte
Et même si tout l'monde me dit
Que c'est pas ma faute si elle est morte

Moi je sais bien qu'elle serait là, oui
Souriante et vive comme autrefois, si
Au lieu de la reconduire là-bas
Je l'avais accueillie chez moi

. . .


Y parlent avec des mots précis
Puis y prononcent toutes leurs syllabes
À tout bout d'champ, y s'donnent des bis
Y passent leurs grandes journées à table

Y ont des menus qu'on comprend pas
Y boivent du vin comme si c'était d'l'eau
Y mangent du pain pis du foie gras
En trouvant l'moyen d'pas être gros

Y font des manifs aux quart d'heure
À tous les maudits coins d'rue
Tous les taxis ont des chauffeurs
Qui roulent en fous, qui collent au cul

Et quand y parlent de venir chez nous
C'est pour l'hiver ou les indiens
Les longues promenades en Ski-doo
Ou encore en traîneau à chiens

Ils ont des tasses minuscules
Et des immenses cendriers
Y font du vrai café d'adulte
Ils avalent ça en deux gorgées

On trouve leurs gros bergers allemands
Et leurs petits caniches chéris
Sur les planchers des restaurants
Des épiceries, des pharmacies

Y disent qu'y dînent quand y soupent
Et y est deux heures quand y déjeunent
Au petit matin, ça sent l'yaourt
Y connaissent pas les œufs-bacon

En fin d'soirée, c'est plus chocroute
Magret d'canard ou escargots
Tout s'déroule bien jusqu'à c'qu'on goûte
À leur putain de tête de veau

Un bout d'paupière, un bout d'gencive
Un bout d'oreille, un bout d'museau
Pour des papilles gustatives
De québécois, c'est un peu trop

Puis, y nous prennent pour un martien
Quand on commande un verre de lait
Ou quand on demande : La salle de bain
Est à quelle place, S.V.P ?

Et quand ils arrivent chez nous
Y s'prennent une tuque et un Kanuk
Se mettent à chercher des igloos
Finissent dans une cabane à sucre
Y tombent en amour sur le coup
Avec nos forêts et nos lacs
Et y s'mettent à parler comme nous
Apprennent à dire : Tabarnak

Et bien saoulés au caribou
À la Molson et au gros gin
Y s'extasient sur nos ragoûts
D'pattes de cochon et nos plats d'binnes

Vu qu'on n'a pas d'fromages qui puent
Y s'accommodent d'un vieux cheddar
Et y se plaignent pas trop non plus
De notre petit café bâtard

Quand leur séjour tire à sa fin
Ils ont compris qu'ils ont plus l'droit
De nous appeler les Canadiens
Alors que l'on est québécois
Y disent au revoir, les yeux tout trempés
L'sirop d'érable plein les bagages
On réalise qu'on leur ressemble
On leur souhaite bon voyage

On est rendu qu'on donne des becs
Comme si on l'avait toujours fait
Y a comme un trou dans le Québec
Quand partent les maudits français


. . .


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